SECRETS de POLICE

 

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◄ 'punky-reggae party' : merci les Clash ! ►

 

 

Parlons de votre frère Miles Copeland III, cela a-t-il toujours été facile de l’avoir comme manager du groupe Police ? Cela a-t-il changé votre relation ?

Ca m’a en tout cas permis de rester en contact avec lui ! La plupart des frères et soeurs se perdent de vue à l’age adulte amis comme mes deux frères aînés, Miles et Ian, sont dans le même business, ont se voit beaucoup. On peut donc dire que si cela a changé notre relation, cela l’a également maintenue...

Miles était-il votre idole lorsque vous étiez enfant ? c’est souvent le rapport qui s’instaure entre un garçon et son frère aîné.

C’était plutôt Ian, Miles avait une trop grande différence d’âge avec moi. Je suis le plus jeune et Ian est entre nous deux. Ian était vraiment mon idole pendant mon enfance à Beyrouth, le plus grand faucheur de motos de la ville, le chef de la meute.

Parlons de Police maintenant, c’était vraiment votre bébé au début, vous en étiez le batteur, le créateur, le manager et même la maison de disques !!! Vous faisiez vous même la promo avec des techniques d’avant-garde...

On faisait tout ce qui nous passait par la tête, j’écrivais moi-même des lettres aux courriers des lecteurs des magazines, on faisait des tags aux quatre coins de Londres. Mais il faut savoir qu’en 1977-78, le groupe Police n’était pas du tout dans le vent. Les critiques nous descendaient, ils savaient que j’avais joué avec Curved Air, aux antipodes du mouvement punk. Ils savaient que quelques semaines auparavant j’avais encore les cheveux longs et que nous étions des faux punks. Sting sortait tout juste de son orchestre de jazz et nous nous sommes coupés les cheveux pour jouer du punk et faire nos armes dans cette nouvelle scène musicale. Ce qui nous excitait le plus c’était l’enthousiasme délirant du public. La musique ne nous faisait pas vibrer mais c’était notre pavillon de complaisance. 

Il y a avait tout de même un vrai punk dans la version d’origine, le corse Henri Padovani.

Oui, alors on l’a viré ! depuis, il se débrouille très bien dans le business. Il a travaillé dans le management et la production d’artistes avec mon frère, pour la branche européenne de sa compagnie. Il a un bon train de vie, il habite Paris. Il a su tirer son épingle du jeu. Je suis encore en contact avec lui.

J’ai lu que vous avez été dans le groupe le premier à découvrir la musique de Bob Marley et que Sting est tombé “accro” de la chanson Lively Up Yourself (cf : album Natty Dread 1974) après vous avoir emprunté vos disques de reggae pour une fête de noël !

Tout à fait.

Est-ce que cela a été le déclic pour intégrer ce son nouveau à votre musique, alors très énergique ? 

Non, nous avons piqué l’idée au groupe The Clash principalement et à d’autres groupes punk. Comprenez, dans les clubs punks, les concerts s’enchaînaient toute la nuit et l’excès de décibels provoquait à la longue des maux de tête carabinés, même aux habitués. Donc les groupes alternaient leur énergie punk avec du 'mellow punk' et du 'reggae-dub', pour faire varier le niveau d’intensité sonore. Du coup cela à fait boule de neige et tout le monde s’est dit “nom d’un chien, faut qu’on essaye de jouer ce truc”. Seulement, personne, y compris les Clash, ne l’on fait correctement. Ils ont eu l’idée avant les autres mais nous pouvions jouer le reggae bien mieux qu’eux. Le reste aussi on le jouait mieux que les autres parce que nous étions de vrais musiciens. Pour les Clash, les Damned ou les Sex Pistols, c’était surtout une affaire de charisme et d’enthousiasme, ce qui est la base même du rock & roll, mais à leur différence, nous connaissions nos instruments sur le bout des doigts. Mais être capable de vraiment jouer nous a paradoxalement desservi et à écorné notre crédibilité. Les gens sentaient que nous étions un peu trop malin et trop pros, nous avions deux ans de plus que les plus vieux d’entre eux. Les critiques nous avaient dans le collimateur, mais les musiciens punks, comme Steve Jazz par exemple, venaient nous voir en scène pour améliorer leur jeu. On brodait beaucoup et étions les seuls à avoir un jeu si riche, alors ils nous piquaient nos plans.

Quelle a été la première chanson dans laquelle vous avez intégré du reggae ?

 ‘So Lonely’, ensuite il y a eu ‘Roxanne’ et ‘I can’t Stand Losing You’, les trois sont venues à peu près en même temps...

Je ne suis pas le seul à penser que vous êtes l'élément fondateur du vrai son de police...

Oui, bien sûr !

Et les gens devraient rendre à César...

Oui, mais bon...

Je donne un exemple, lorsque Sting depuis la séparation du groupe, rejoue vos tubes accompagné par le guitariste Dominic Miller, dont beaucoup disent qu’il est un clone de Andy Summers, cela ne sonne pourtant jamais comme du vrai Police ! 

Je suis d’accord... Je préfère d’ailleurs quand il joue ‘Roxanne’ seul à la guitare acoustique : c’est superbe. Je trouve qu’il joue mieux que Miller ou Summers et cela n’a rien à voir avec la technique, c’est plutôt au niveau du feeling. Andy à la technique bien sûr mais le jeu de Sting dégage une atmosphère unique. Il a suffisamment de talent pour prendre n’importe quel instrument et en sortir quelque chose de beau.

Pour reparler un instant de Bob Marley, écoutez-vous encore aujourd’hui sa musique ?

Oui parfois, mais pas aussi souvent que j’ai pu le faire par le passé. J’ai toujours un grand respect pour son travail.

L’avez-vous déjà rencontré ?

Oui... enfin, pas vraiment. Après un concert, dans sa loge. On croise beaucoup de gens dans le show-business, mais ce ne sont pas de vrais rencontres. “J’adore votre musique, vous êtes formidables”, ça ne compte pas ça. Quoiqu’il en soit rencontrer des célébrités du monde de la musique ne m’intéresse pas. C’est pour moi beaucoup plus excitant de dialoguer avec Madeleine Albright qu’avec Bob Marley ! C’est vrai qu’il avait un charisme incroyable mais ce genre de personnages, surtout les rastas, sont un peu sur leur petit nuage. Rencontrer Marley, c’était comme rencontrer le pape, il était à fond dans son trip... Tu pouvais pas arriver en lui tapant sur l’épaule du genre : “hey Bob, ça va mec ? Quoi de neuf ?”. C’est un peu ce qui me déplaisait chez lui.

Au début de Police je sais que vous avez fait les premières parties de Steel Pulse, un groupe de reggae alors au summum de leur popularité. Que pensait-ils de votre musique, de votre “reggae blanc” ?

Hum... A vrai dire ils ne nous en ont jamais touché un mot. Je sais que quand je tombais sur Sly & Robbie (nb : la section rythmique la plus connue de Jamaïque, référence absolue encore aujourd’hui) on s’entendait très bien, mais ça ne veut rien dire. Il est possible qu’il prétendaient que je leur avait tout piqué dès que j’avais le dos tourné. Nous avons pas pillé le reggae, nous nous en sommes inspirés, ce qui est très différent. Si on a piqué quelque chose, je le répète, c’est aux Clash. Roxanne, ce n’est pas du reggae. On n’a rien piqué dedans, c’est un arrangement original. Si vous écoutez bien la chanson, le rythme n’est pas un vrai rythme de reggae, je l’ai carrément placé à l’envers! D’ailleurs la raison pour laquelle les jamaïcains nous ont respecté, c’est que nous faisions quelque chose à notre  sauce, en y ajoutant nos propres ingrédients. Depuis, il y a eu deux albums de reprises reggae en hommage à Police et ils ont tous joué dedans !

Avez-vous aimé ces albums (‘Reggatta Mondatta’ 1 & 2) ?

Je préfère quand même les versions de Police. Mais l’album de reprises latinos (‘Outlandos D’Americas’)  est quant à lui très réussi. Les arrangements sont vraiment cool. Je n’avais jamais entendu aucuns de ces artistes mais ce qu’ils on fait est intéressant. Andy Summers et moi devions faire une tournée avec eux mais je suis finalement content que cela soit tombé à l’eau, cela aurait été un peu étrange.

C’était votre idée ou celle de Miles (c’est sur son label que sont sortis les disques de reprises) ?

Je suis toujours partant pour partir en tournée ! Sting et Andy ne s’arrête jamais de faire des concerts donc cela n’a pas le même attrait pour eux. Jouer des chansons de police sans Sting, cela ne me dérangerait pas. Du moment que je joue sur une belle scène, que j’ai un hôtel réservé et un voyage agréable, tout va bien ! C’est tout ce dont j’ai besoin. J’essaye de convaincre Sting que nous devrions refaire une tournée de police en reversant tous les bénéfices aux oeuvres caritatives, hôpitaux, écoles... La seule raison qui me donne envie de rejouer avec ce groupe n’a aucun lien avec le fric, je n’en ai pas besoin, c’est juste parce que je suis sûr de m’éclater. C’est un super groupe.

Les gens attendent ce moment depuis tant d’années.

Sting pense que se serait tomber dans la facilité, que les gens penseraient qu’on rejoue ensemble pour le fric et qu’ils en seraient désespérés. Moi je suis désespéré de rejouer dans ce groupe, parce que je suis trop fainéant pour en former un nouveau ! J’ai une carrière qui marche plutôt pas mal et ça ne me laisse pas beaucoup de temps pour cela.

Il y a deux facteurs importants qui entrent en compte quand on envisage une reformation. D’un côté cela satisfait les fans mais de l’autre cela déchaîne les foudres de la critique et les musiciens prêtent plus attention à ce facteur-ci. Elton John a par exemple dit à Sting : “mais à quoi cela te servirait-il de reformer Police ?”. Personne ne poserait cette question à Mick Jagger, parce que lui ne peut rien faire d’autre. Il a sorti foultitude d’albums solos qui sont passés aux oubliettes. Sting, lui, a réussi son envol et est aujourd’hui un artiste qui existe par lui-même. Il n’a besoin de personne. Il n’a aucune raison artistique de rejouer avec The Police.

Pensez-vous que c’est pour se laisser une porte ouverte en cas d’échec de sa carrière solo qu’il n’a, à l’époque, pas déclaré publiquement qu’il quittait le groupe ? 

Non, il n’avait pas peur. Quand nous avons décidé d’arrêter j’ai pensé “ok, faisons un break de deux ans”, mais je me trompais. Pour Sting c’était définitivement fini. Il a travaillé comme un enfoiré pour que sa carrière réussisse, bien plus dur qu’il ne l’a jamais fait pour Police, parce que là, il a du tout faire lui-même. Voilà à quoi cela a tenu.

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