Photo : Didier Pruvot © Editions Flammarion
BERNARD LAVILLIERS par Gert-Peter BRUCH :
UNE RENCONTRE DU TROISIEME TYPE
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Pour moi, Lavilliers c'est l'histoire d'un long cheminement.
Au début, ce fut juste le son d'une voix, une voix grave et pourtant chaude,
associant des mots étranges avec une conviction étonnante,
qui titillait mon inconscient et la surface de mes tympans.
Ficelé dans un paquet de noeud musical éclectique et familial
allant de Bob Marley à Miles Davis, en passant par Brel, il me fallut un temps certain
pour mettre un visage sur le personnage
et constituer un dossier sur cet O.V.N.I. (Objet de Variété Non Identifié).
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En cet âge encore tendre où je contemplais pendant des heures
les pochettes de disques 33 tours que collectionnaient les adultes, celle du 'Stéphanois',
son album de 1975, me donnait quelques indices.
Que pouvait bien dissimuler l'immense chevelure de feu de ce chanteur inconnu,
croqué par un caricaturiste talentueux?
Le disque s'ouvrait comme un livre de contes.
A l'intérieur, des chansons à lire comme des poésies
(ah ! les fameuses 'aventures extraordinaires d'un billet de banque')
et une photo, une seule. L'homme y avait l’oeil du joyeux filou
et son immense rire semblait éclater comme une énorme bulle de champagne.
Inexplicablement, la spontanéité qui se dégageait de cette image
a été mon premier coup de coeur pour l'artiste.
C'est donc sous les auspices d’une franche rigolade que cette aventure a commencé.
Ψ Ψ
Lavilliers n’eut pas besoin de pied-de-biche pour entrer dans notre domicile,
les parents avaient laissé la porte ouverte !
Un prof de cinquième participant au complot en rajouta une couche :
il jouait 'Betty' sur le bout des doigts
et osa nous faire étudier 'Troisième monde', un titre rare et subversif de notre drôle d’oiseau,
pour lequel j'eus un béguin immédiat.
Je ne compris que plus tard la réticence de cette perle de l'enseignement
à me laisser repartir avec le polycopié reproduisant les paroles (je l'ai gardé précieusement).
Dans ce reggae joyeux et apparemment inoffensif,
il était question de prostituées tropicales, d'alcool et de marijuana !
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Je me suis "fait coffret" par le frangin de 'Betty' à 12 ans. L'objet était beau, si beau
qu'il resta sous cellophane fort longtemps : j'avais trop peur de l'endommager !
Mon père me traita d'enfant gâté.
Finalement, la première écoute de ces trois vinyles me laissa perplexe.
L'approche fut difficile. Assimiler l'oeuvre de cet insaisissable individu
c'était gravir une falaise abrupte à main nue, sans harnais.
J'ai fait "anglais deuxième langue", "espagnol troisième" et "Lavilliers quatrième" !
Il me fallut un peu de temps pour apprivoiser ce dialecte
mais je n'eus, un beau jour, plus besoin de sous-titrage.
Pour finir tout à fait ma formation,
il ne me restait plus qu'à me confronter à ce personnage,
ce grand frère imaginaire, au risque qu'il ne m'embarque vers le côté obscur...
de la force des mots.
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Lavilliers, le 'Voleur De Feu', peinture indienne tracée sur le visage, m'a transmis
la flamme l'année de mes dix-sept ans.
Descendant d'une lignée d'hommes du désert,
Il me restait une dernière épreuve avant de pouvoir franchir 'La Frontière'.
Le grand chef me demanda le mot de passe dans un couloir de plateau télé,
m'invitant à compléter le couplet qu'il entama :
"j'ai débuté ma carrière par un hold-up audacieux, y'avait d'la cervelle par terre,
les flics étaient très nerveux..."
C'est sur cette histoire de braqueur que j'ai rejoint le gang !
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G.P. Bruch, septembre 2005.
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